Quelle parade au stress oxydant pour améliorer la fertilité du couple ?

« Le stress oxydatif est lié aux radicaux libres, toxiques pour la cellule et qui entraînent, selon le cas, sa destruction ou une altération de ses paramètres. Les antioxydants réduisent le stress oxydatif en luttant contre ces radicaux libres […] et améliorent la fertilité », précise le Dr Cyrille Guillot-Tantay, chirurgien urologue et andrologue à l’Hôpital Foch (Suresnes).

 

TLM : Quelles sont les données épidémiologiques relatives aux couples confrontés à des difficultés liées à la procréation ?

Dr Cyrille Guillot-Tantay : Un couple est considéré comme infertile lorsqu’au bout d’un an il n’a pas réussi à concevoir. L’infertilité primaire (azoospermie ou cryptozoospermie chez les hommes) représente généralement entre 0,5 et 3% de la population dans certaines études. Le chiffre de 3% est à mon avis très surévalué et intègre probablement toutes les causes fonctionnelles comme l’altération des paramètres spermatiques liées au stress oxydatif. Ce dernier est un facteur de risque d’infertilité chez l’homme comme chez la femme. Il représente jusqu’à 30% des causes d’infertilité chez les hommes. En effet, au niveau épidémiologique, les hommes ont tendance à consommer plus de toxiques (cannabis, alcool, etc.) que les femmes, ce qui s’ajoute à l’action délétère des perturbateurs endocriniens. Bien que les chiffres ne soient pas très bien documentés, la tendance générale est à l’augmentation des toxiques et perturbateurs endocriniens, ce qui accroît ces stress oxydatifs et altère la fertilité des couples.

 

Comment se caractérise le stress oxydatif délétère au niveau cellulaire ?

La source du stress oxydatif peut être exogène (toxiques, perturbateurs endocriniens…) ou endogène (stress organique). Le stress oxydatif induit, chez les hommes, une baisse de la sécrétion des spermatozoïdes. Il agit soit au niveau central (l’axe endocrinien est perturbé), soit au niveau périphérique (la sécrétion des spermatozoïdes par les gonades est altérée). Le stress oxydatif diminue le nombre et la qualité des spermatozoïdes. Leurs formes sont plus atypiques, leur vitalité est diminuée, dans des situations extrêmes ils sont carrément nécrosés. Concernant l’impact du stress oxydatif sur la fertilité féminine, étant urologue, je connais moins bien le mécanisme cellulaire impliqué, mais par analogie il doit être assez similaire avec des facteurs hormonaux intervenant au premier plan.

 

Quel est le mécanisme d’action des antioxydants ?

Le stress oxydatif est lié aux radicaux libres qui sont toxiques pour la cellule et entraînent soit sa destruction, soit une altération de ses paramètres. Les anti-oxydants réduisent le stress oxydatif en luttant contre ces radicaux libres. Ces compléments alimentaires améliorent la fertilité et notamment la spermatogénèse chez les hommes. Il existe des formules « hommes » et des formules « femmes ». Pour les hommes, les principes actifs sont principalement le zinc et les vitamines C, D, B9, E. Il existe aussi des coenzymes Q10, de l’acide folique, etc. En luttant contre le stress oxydatif, des couples parviennent ainsi à concevoir sans avoir recours à la procréation médicalement assistée.

 

Quelle est la stratégie d’utilisation des antioxydants proposée en cas d’infertilité idiopathique ?

C’est globalement le traitement de première intention pour toute personne rencontrant des difficultés à la procréation. Ils n’ont quasiment aucun effet secondaire. Je les prescris presque systématiquement même lors de la première consultation.

 

Les antioxydants peuvent-ils être utilisés en prévention ?

Dans ma pratique, les gens viennent me voir quand ils ont déjà essayé de concevoir depuis un an. Mais si j’avais des couples qui me demandaient mon avis avant leur projet de procréation, sans doute leur proposerais-je ces traitements.

 

Quelles sont les données d’efficacité des antioxydants ?

Les paramètres spermatiques sont en général améliorés. Cependant, un patient azoosperme aura très peu de chances de recréer une spermatogenèse avec des antioxydants. Ces traitements sont intéressants chez celui qui a des paramètres d’intérêt (formes atypiques, vitalité un peu diminuée) en lui permettant d’optimiser ses chances. Les laboratoires indiquent des chiffres allant de 20 à 30% d’amélioration des paramètres spermatiques. Cette donnée reste toutefois vague mais globalement, au prix d’effets secondaires quasiment nuls voire nuls, essayer d’obtenir une amélioration de la fertilité vaut la peine. Les patients sont, par ailleurs, assez demandeurs de ce type de traitements dits « naturels ».

Quel est le rôle des médecins généralistes ?

Les médecins généralistes prenant en charge les couples désireux d’avoir un enfant n’ont pas besoin de réaliser des examens très complets avant un an de tentatives infructueuses. Au bout d’un an, ils peuvent commencer par réaliser un spermogramme et une échographie testiculaire en ce qui concerne la prise en charge de la fertilité masculine, prescrire ces compléments alimentaires antioxydants, qui sont très bien tolérés, et adresser le patient à un spécialiste en procréation médicalement assistée.

Il est nécessaire de rassurer les couples. J’imagine en effet qu’ils doivent souvent rencontrer des patients « stressés » venant les voir assez tôt dans la prise en charge. Il faut savoir que le processus de spermatogénèse peut durer entre trois et six mois, c’est-à-dire entre le moment de la fabrication du spermatozoïde et son excrétion. Des variabilités psychologiques peuvent influer mais cela ne veut pas dire que le spermatozoïde qui est en cours d’excrétion est forcément pathologique. Et si celui-ci est altéré, cela ne veut pas dire que la spermatogenèse se déroule mal. Les patients ne doivent donc pas paniquer !

 

Propos recueillis par Alexandra Cudsi

Article paru dans la revue TLM n°137 Oct-Nov 2024