Effets de la vitamine K2 sur la santé osseuse

Active contre le risque d’ostéoporose ou dans la prévention des troubles cardiovasculaires, la vitamine K2 accuse un déficit de formation. Médecin consultant en Nutrition au CHU de Montpellier, le Dr Laurent Chevallier intervient également dans des maternités dans le cadre du Comité de liaison alimentation et nutrition (CLAN) et des EHPAD.

 

TLM : Quel intérêt revêt à vos yeux la vitamine K2 (ménaquinone) ?

Dr Laurent Chevallier : Les médecins connaissent bien la vitamine K mais moins la vitamine K2, alors qu’elle est très importante dans la prévention de l’ostéoporose, de l’évolution de la maladie coronarienne et peut-être aussi dans celle des AVC. Cette vitamine a été insuffisamment enseignée aux médecins et aux diététiciens alors qu’elle est essentielle. De plus en plus d’études confirment son implication dans plusieurs mécanismes et elles n’ont pas fini d’explorer tout son intérêt.

 

Quels sont les mécanismes d’action de la vitamine K2 ?

Elle possède deux intérêts majeurs bien identifiés et étudiés : sur l’os et les maladies cardiovasculaires. La ménaquinone agit sur l’os de deux façons. Elle active l’ostéocalcine, une protéine non collagénique vitamine K2-dépendante qui est très importante pour solidifier l’os. Et, d’autre part, elle diminue l’excrétion rénale de calcium. Un déficit d’apport ou un problème d’absorption de la vitamine K2 peut entraîner des risques d’ostéoporose parfois élevés. En parallèle, il faut toujours effectuer un dosage de la vitamine D dont la carence favorise aussi l’ostéoporose. Un déficit de celle-ci malgré un apport en vitamine K2 est de pronostic péjoratif. La vitamine K2 apporte également une protection cardiovasculaire avec le phénomène du « calcium paradoxe » bien connu (le calcium a un rôle clé dans la minéralisation osseuse et en même temps, il induit des calcifications dans les tissus mous). Elle agit sur les vaisseaux artériels en limitant la calcification des artères par l’intermédiaire de la MGP (Matrix Gla Protein).

 

Quelles sont les autres mécanismes actuellement étudiés ?

Il existe de nombreuses pistes de recherche. La vitamine K2 est considérée comme un modulateur de l’immunité. Une étude montre, chez les patients atteints de dermatite atopique, qu’elle supprime la prolifération et la production de cytokines inflammatoires dans les lymphocytes activés par les mitogènes en inhibant les protéines kinases (Zhang M et al. Biol Pharm Bull, 2021). D’autres portent sur la cancérogénèse. Selon une récente étude (Zhang Y et al., BMC Med, 2023), la supplémentation en vitamine K2 améliore l’homéostasie glycémique et la sensibilité à l’insuline pour le diabète de type 2 grâce au microbiote intestinal et aux métabolites fécaux. D’autres investigations analysent également l’impact de la vitamine K2 sur le cerveau. Même si actuellement les niveaux de preuve ne sont pas suffisants dans ces différents domaines, nous comprenons aujourd’hui qu’il faut absolument avoir une alimentation riche en vitamine K2.

 

Quelles sont les sources en vitamine K2 ?

Sur le plan alimentaire, l’apport en ménaquinone s’obtient par la consommation de produits fermentés, de produits laitiers (fromages, yaourts) et d’œufs. Le natto, préparation japonaise à bas de fèves de soja fermentées, est l’aliment qui en contient le plus. Au niveau endogène, la vitamine K2 est synthétisée dans le côlon par certaines bactéries. Cependant, il semble qu’elle soit relativement peu absorbée par cette voie alors que l’absorption d’origine alimentaire est satisfaisante.

 

Quelles sont les causes d’une malabsorption en vitamine K2 ?

Les MICI provoquent des défauts d’absorption de même que l’alcoolisme, ce qui est bien sûr préjudiciable sur le plan cardiovasculaire et ostéoporotique.

 

À quel profil de patient est indiqué un apport en vitamine K2 ?

Probablement les femmes ménopausées et les patients ayant des maladies cardiovasculaires (ou des antécédents). Dans mon expérience personnelle, pour supplémenter un patient, je m’appuie sur des preuves biologiques. Les dosages de la vitamine K2 ne sont pas demandés en routine. A cet égard je souligne que pour l’instant, les normes varient d’un pays à l’autre, ce qui induit quelques incertitudes mais cela devrait évoluer. Sur le plan pratique, je vérifie le statut en vitamine D de mes patients. S’ils présentent un déficit, je les supplémente en vitamine D et je leur conseille une alimentation plus riche en vitamine K2. Aujourd’hui, une grande offensive pousse à supplémenter en vitamine K2 en expliquant parallèlement qu’un excès d’apport n’a pas montré d’effets délétères. Certaines publications indiquent que seuls 25% des apports en vitamine K2 sont couverts. Cela ne justifie pas forcément une supplémentation mais avant tout une réorientation nutritionnelle. Dans les années à venir, le taux nécessaire de vitamine K2 sera peut-être défini plus précisément et alors nous pourrons supplémenter. D’autre part, il faut s’assurer de la qualité des suppléments proposés (provenance, type de solvant utilisé, extrait, processus de fabrication…). Les interactions sont mal connues. Je suis globalement assez prudent en ne faisant pas de supplémentation systématique en vitamine K2.

Propos recueillis par Alexandra Cudsi TLM Juin-septembre 2023

 

Le Dr Laurent Chevallier vient de publier un ouvrage grand public « Je vis avec une maladie auto-immune » est un ouvrage grand public (Marabout). Ces maladies, indique l’auteur à ce propos, « augmentent très significativement dans les pays à niveau socio-économique assez élevés. Certaines pathologies d’aujourd’hui, comme l’obésité et la dépression peuvent avoir une composante auto-immune. Des auto-anticorps sont parfois produits contre certains récepteurs, comme ceux de la satiété. Cela ouvre de nouvelles perspectives en termes de traitements. Dans la polyarthrite rhumatoïde, par exemple, nous nous demandons si une supplémentation en vitamine K2 serait intéressante. »